«Ce qui m’a amené à faire de la musique, c’est le créole. J’aime le langage corporel et l’héritage qui l’accompagnent. C’est ma langue de sang ». Ainsi parle Véronique Hermann Sambin, chanteuse que je ne connaissais pas et qui a instillé un charme discret mais qui s’est dévoilé de plus en plus redoutable au fil de son concert à Chorus le 29 avril dernier.
Auteure, compositrice, interprète, Véronique a transmis ce soir-là à l’assemblée attentive toute la richesse et la finesse de son jazz caribéen basé sur la mélodie et servi par les arrangements subtils du saxophoniste français Xavier Richardeau. Un fan amoureux a même déclaré sur internet : «Véronique Hermann Sambin distille son swing avec une énergie pétillante et marque inévitablement les esprits et les coeurs d’une empreinte personnelle et durable. » J’adhère !
Mais la réduire à un porte-drapeau de la Caraïbe serait par trop réducteur. En effet, « avec son allure et sa taille dignes de Marie-José Pérec (ou, j’ajoute, de Rama Yade), son sens de la scène (comme disent les pros, « elle bouge bien ») » (dixit Le Monde), Véronique Hermann Sambin a tout d’une chanteuse de jazz dans son sens le plus large. Preuve en est son interprétation splendide et émouvante d’un poème de Derek Walcott, écrivain de l’île de Ste-Lucie, « Love after Love », d’un « Sweet Georgia Brown » éclatant d’originalité, ou encore, de l’éternel « Nuage » de Django, servi en guise de bis. Elle a tout d’une grande, capable de chanter ses propres compositions (son dernier album en date, « Basalte » date de 2015) comme des standards de jazz.
Le jazz, Véronique Hermann Sambin le rencontre en 1984 avec le groupe Weather Report, en 1991 avec « Unforgettable…with Love », interprété par Natalie Cole, puis Ella Fitzgerald. Et enfin, en 2011, Xavier Richardeau, qui devient son mentor. Un mot sur ce grand monsieur : diplômé d’agriculture, élève du conservatoire de Rochefort-sur-Mer (clarinette et piano), il escalade la musique par les voies les plus exigeantes – Didier Levallet, le célèbre CIM de Paris –, et se consacre au baryton (et au soprano) en 1990. On songe toujours à Gerry Mulligan. Lui évoque Harry Carney et Serge Chaloff.
Accompagnés d’Olivier Truchot au piano, de Damien Varaillon à la basse et de Romain Sarron à la batterie, tous remarquables, Véronique et Xavier ont véritablement illuminé cette soirée.
Gabriel Décoppet