Chorus vient d’accueillir successivement deux duos de tout premier choix : Bojan Z – Z comme Zulfikarpasic – (p) et Julien Lourau (ts,ss) le 14 février, Dado Moroni (p) et Thomas Dobler (vib) le 28 février. Impressions croisées…
Ah ! L’art du duo ! Citons pêle-mêle Laurel & Hardy, Françoise Hardy & Jacques Dutronc, Lauren Bacall & Humphrey Bogart, Lagarde & Michard (souvenirs d’école), Martini & Rossi (l’art du vermouth) et même Roux & Combaluzier, qui ont beaucoup œuvré pour la reconnaissance des ascenseurs dans le monde moderne. Plus sérieusement, le jazz aussi a eu ses stars.
Complicité, fusion, échanges, intelligence, concentration, plaisir de jouer, tel sont les ingrédients indispensables pour que la magie du duo opère. Ce fut le cas d’abord le 14 février.
Le pianiste franco-serbe Bojan Z a une carrure impressionnante. Il donne du corps à sa musique et son jeu s’en ressent : impulsif, tonique, impétueux, percussif. Jouant sur piano acoustique et sur Fender, il sait faire « patte de velours » sur les ballades. Son influence est toute balkanique. Le folklore de l’ex-Yougoslavie est encore bien présent, mais Bojan Z transcende cette « matière première » en une succession de pépites de jazz : Sarajevo, Half Moon, Seeds, Julio’s Blues, Fuzzlija, The Others, Tender. Et en final Mister Waits. Que dire de son complice Julien Loureau, si ce n’est qu’il transcende ce discours musical de façon à la fois harmonieuse et libertaire. Les sons qu’il extirpe de son ténor et de son soprano sont de toute beauté. A placer au niveau des plus beaux duos de Stan Getz.
La soirée du 28 février fut tout aussi enthousiasmante, bien que d’une approche plus classique. Mais les arrangements vibraphone/piano de Thomas Dobler et de Dado Moroni ont su tonifier des standards tels que Caravan, Body and Soul, But Not For Me, How Long Has This Been Going On, Speak Low, Little African Flower, ou encore Night and Day. Des compositions originales de Moroni (Quiet Yesterdays, Flavio’s Teacher ou The Duck and the Duchess) sont venus compléter le répertoire. Le jeu de Dobler est élégant, raffiné, il surfe avec aisance sur son vibraphone en utilisant ses quatre maillets. Quant à Dado Moroni, en digne successeur de tous les pianistes swing, à commencer par Oscar Peterson, c’est un régal et un bonheur sans cesse renouvelé. A placer là aussi au niveau des plus beaux duos de Chick Corea et Gary Burton.
Gabriel Décoppet