Mélanger jazz, pop, hip-hop et slam n’est pas chose courante à Chorus. C’est ce qui s’est passé le soir du samedi 22 mai. Les adeptes du jazz « biologique » en ont pris un sacré coup et c’est tant mieux. A la tête de ce combo composé de Manu Hagmann (b), Arthur Alard (dm), Shems Bendali (tp), Simon Girard (tb) et Erwan Valazza (g), Florian Favre assure les compositions, le piano et le vocal. Disons-le clairement, le résultat est bluffant, tant le propos musical est maîtrisé de bout en bout. Tantôt ironique, tantôt onirique, l’univers de Florian Favre séduit par son intelligence et par son habileté à nous emmener sur ses chemins poétiques. Les morceaux sont extrêmement bien construits, ni trop longs, ni trop courts, et évoquent des thèmes tels que la fidélité (en fait, un texte sur la mort, puisque qu’au fond c’est une personne qui nous est fatalement fidèle, dixit Florian), la nostalgie (« la nostalgie, c’est quoi »), le rap des années « huitante » (en vaudois dans le texte), une hirondelle, « tout se perd rien ne se transforme », un « petit homme ». Pour ma part, j’ai retenu un vers : « Quand je découvre Miles, mon cœur se Davis ». Jeu de mot. Florian Favre fait les choses sérieusement, mais ne se prend pas au sérieux, l’humour enrobe la profondeur des textes. Musicalement, le sextet assure. Les deux souffleurs, Shems Bendali et Simon Girard, sont particulièrement inspirés ; le jeu à la guitare d’Erwan Valazza est d’une brillante finesse ; Manu Hagmann à la basse est diablement efficace et Arthur Alard à la batterie d’une précision et d’une efficacité extrême. Quant au leader, il manie le piano avec une agilité déconcertante. Florian Favre a séjourné à La Nouvelle Orléans en 2019. Son groupe a des allures de brass band et ça n’est pas un hasard. Une belle réussite.
Gabriel Décoppet