Le parrain du club: Daniel Humair
Ouvert dans les caves de la maison Villamont, après une grosse bagarre politique sur l’éventuelle destruction de cette demeure du XVIIIe siècle, Chorus fait vivre le jazz à Lausanne depuis vingt ans. Il y a une dizaine d’années, Jean-Claude Rochat, patron du club, demandait en tremblant au fameux batteur suisse Daniel Humair s’il voulait bien devenir le parrain de la salle. Tout aussi tremblant, le musicien répondait par l’affirmative, amenant grâce à sa réputation internationale des jazzmen de premier plan et, en tant que peintre, dessinant même le logo de Chorus. Coup de fil à Daniel Humair, qui fêtera en musique un double anniversaire à Lausanne en cette fin de semaine: celui de ses 70 ans.
– Comment êtes-vous devenu parrain de Chorus?
– Parce qu’on me l’a demandé! Je représentais le jazz suisse, j’étais un peu connu, ça passait bien… et j’étais un des premiers à avoir joué là-bas. J’ai été conquis dès le début par l’enthousiasme de ces vrais amateurs de jazz qui faisaient du bon boulot, avec le respect des artistes.
– Vous vous consacrez toujours plus à la peinture, votre créativité musicale ne connaît pas la crise?
– Je suis beaucoup plus passionné par la peinture en ce moment. Je multiplie les expos – trois musées cette année, cinq la prochaine – et j’essaie de ralentir un peu sur la musique. Mais cette année, mon album Full Contact, avec Joachim Kühn et Tony Malaby, a reçu le Grand Prix Charles Cros et vient encore d’être sacré meilleur disque de jazz de l’année par l’Académie du Jazz. Et le disque Baby Boom II a reçu un «Emoi de l’année» de Jazz Magazine…
– Avec Baby Boom, vous qui avez aussi été prof, avez aussi joué au parrain pour jeunes musiciens…
– Je cherche à être le plus créatif possible, donc je vais sur les terrains qui m’intéressent, en évitant les «relectures». Avec chacun de mes groupes, je cherche à résoudre un problème.
– Vos dernières «solutions»?
– Avec Full Contact, trouver un son sans contrebasse. Avec Baby Boom, oublier le répertoire, être le plus honnête possible.
– Vous avez encore le temps d’écouter ce qui se fait?
– Oui, plein de trucs, sur disque, parce que, aller en club, c’est un peu plus compliqué!
– Une découverte récente?
– Jérôme Sabbagh, un album qui s’appelle One, Two, Three, chez Abeille.
– Les clubs, vous les fréquentez tout de même encore en tant que musicien. Comment jugez-vous leur évolution?
– Bonne. Il y a beaucoup de monde partout, le milieu s’est professionnalisé. Et comme tout ne va pas au mieux aux Etats-Unis, il y a beaucoup de musiciens qui viennent en Europe. La place se fait rare mais c’est une situation plutôt positive.
– Une situation de concurrence?
– Oui, c’est sûr, mais, en ce qui me concerne, après cinquante ans de travail, je suis suffisamment connu pour remplir les salles – c’est notre bouée de sauvetage!
– Musique et peinture, vous réussissez tout ce que vous touchez?
– Non, je travaille, ce n’est pas la même chose. Sérieusement, honnêtement. Après quarante ans de levers à 7h du matin pour travailler toute la journée, s’il n’y avait pas un résultat, ce serait assez grave.
– Les aspects parfois explosifs de votre frappe, c’est aussi une composante psychologique?
– La musique est une affaire de nuances et beaucoup de musiciens jouent dans un seul registre, trop fort ou trop doux. Je suis pour l’exagération des nuances! Des super piano et des super forte!