Quelle bonne idée d’organiser une semaine de jazz traditionnel à Chorus en même temps que le Cully Jazz Festival. Surtout quand c’est le pianiste français Louis Mazetier qui convoque ses « potes » Jelly Roll Morton, Willie « The Lion » Smith, Art Tatum, Teddy Wilson, James P. Johnson, Eubie Blake, Duke Ellington, Fats Waller, pour une soirée stride d’anthologie, le 1er avril dernier.
Plusieurs sentiments « me sautent contre », comme on dit chez nous, à l’écoute de ce concert. D’abord, un sentiment de générosité dans cette musique, à l’image de Mazetier, qui a tenu en haleine le spectateur jusqu’à près de minuit ! Ensuite, d’apparence aisée, cette musique du début du XXe siècle est extraordinairement complexe, tant par les compositions, les rythmes que par les harmonies. Cet art-là du piano ne souffre d’aucune médiocrité. Mazetier en est la preuve vivante : interprétation magistrale. Et puis cette joie communicative, stimulante, roborative, que procure cette musique, portée sur scène par le maître du jeu. Autre sentiment : celui d’une humilité certaine face à ses « pairs » : respecter mais ne pas copier, développer une interprétation à sa manière, avec passion, tout en gardant une place pour quelques compositions personnelles, de même inspiration. Enfin, un sentiment de « plénitude encyclopédique », il connaît l’histoire du jazz sur le bout de ses touches, à large spectre, sans ostracisme aucun envers le jazz moderne.
Bref, Louis Mazetier est sans conteste l’un des plus grands maîtres internationaux actuels du piano jazz. Ce fut un honneur pour nous que d’assister à cette magnifique performance.
Gabriel Décoppet