Petite affluence (hélas) mais ô combien attentive à l’écoute du pianiste genevois Michel Wintsch et de son talentueux trio, vendredi 23 mai dernier, à Chorus.
Voici 20 ans que le trio WHO travaille ensemble : Gerry Hemingway à la batterie et Bänz Oester à la contrebasse. Après tout ce temps passé à pousser toujours plus loin les limites de la modernité et de l’improvisation, comment ce trio infernal allait-il aborder la musique de Billy Strayhorn et de Duke Ellington ?
Car ces deux monuments du jazz sont devenus des classiques pour les adeptes du jazz prétendument « biologique ». C’est mal connaître la complexité de leurs compositions et de leurs arrangements, c’est botter en touche leur irrépressible faim de modernité.
A ce titre, Michel Wintsch touche juste. Et pas seulement avec son sens remarquable du toucher sur son clavier, tantôt d’une incroyable douceur, tantôt percussif : il a compris le parti de contemporanéité de cette musique.
Bien sûr, Wintsch triture les titres : « Wig Wise », « Isfahan », « Birmingham Breakdown », « In a sentimental Mood », « Passion Flower », « Black Beauty », « A Flower Is a Lovesome Thing », « Angelica » et, en guise de rappel, « Chelsea Bridge ». Il peut décontenancer l’auditeur. Mais il le rattrape avec adresse par des incisions swing et mélodiques qui rassurent les plus rétifs. On assiste alors à un jeu de construction/déconstruction, proche de Varese, qui nous emmène dans un voyage aventureux mais captivant.
Ce vent libertaire, ses acolytes le prennent au vol. La rythmique est de première force, grâce à la force du bassiste Bänz Oester et à la folie pure de Gerry Hemingway à la batterie. En conclusion, une soirée empreinte d’une étonnante séduction.
Gabriel Décoppet