Une légende est passée par Chorus le vendredi 26 octobre dernier. D’une démarche un peu hésitante, Steve Kuhn, 80 ans, natif de Brooklyn, s’installe à son piano et prouve immédiatement que ce titre n’est pas usurpé. Le public est sous le charme. Récit d’une joie délicate et communicative.
Dès la première note, Steve Kuhn surprend. On imagine que la soirée sera d’un classicisme de bon aloi, et puis non. Le vieux lion sort ses griffes, change d’harmonies et de tonalités, réinvente la mélodie, instille des touches de modernité, bref, il est en recherche permanente. Ce qu’il confirme dans une interview accordée en 2013 au journal La Presse de Montréal : « J’aime que nous prenions tous (ses musiciens – ndr) des risques harmoniques, mélodiques, rythmiques. J’aime que nous puissions créer la surprise. Et surtout, que tout se passe dans le plaisir. Si nous avons du plaisir, l’auditoire en éprouve aussi. »
En plein dans le mille. Quel plaisir partagé tout au long du concert. Le répertoire est constitué de standards et de compositions personnelles ; celles-ci sont d’une telle pertinence qu’elles se fondent en une seule palette de sons jubilatoire. « My Shining Hours », « I Thought About You », « Someone In Love »« Confirmation » de Charlie Parker, « Four » de Miles Davis, rejoignent ainsi « Adagio », Two By Two », et d’autres titres.
Enrichi de ses expériences musicales avec Woody Herman, John Coltrane, Stan Getz, Ron Carter, Al Foster, Chet Baker, Ornette Coleman, George Russell, Don Cherry, Bill Evans, Kenny Dorham, Art Farmer, Steve Swallow, Jack DeJohnette, Bob Mintzer, Tom Harrell, Joe Lovano, et tant d’autres, Steve Kuhn atteint la plénitude de l’art du trio accompagné ce soir-là par Aidan O`Donnell (extraordinaire à la basse) et Billy Drummond (fantastique à la batterie).
La complicité entre eux est totale. Sensibilité, délicatesse, maîtrise du rythme. C’est l’apanage des plus grands. L’état de grâce.
Gabriel Décoppet