Quand la presse se lâche sur Thierry Lang, on peut y lire : «un amoureux furieux du jazz émancipé», «le goût des harmonies bien faites et du doigté pesé», «un mélodiste tenace qui donne une forme à ses envies» et «un poète des impressions», fine allusion au grand Bill (Evans).
Bien entendu, tout cela est vrai, et donne une image plutôt moderne et progressiste de son parcours. Alors, quand Thierry Lang arrive à Chorus un vendredi 13 (!) octobre en revendiquant un «retour au swing et aux standards», la salle est comble de gens qui semblent avoir connu cette époque, et quelle que soit la génération dont vous faites partie, on se réjouit de retrouver ses repères en tapant du pied tout au long de ce concert.
Il faut dire que Thierry Lang a convoqué pour l’occasion la crème de la crème des musiciens : Matthieu Michel au bugle, Darryl Hall à la basse et Mario Gonzi à la batterie. Avec son gilet et son nœud papillon, il aurait pu être, dans une autre vie, « l’homme aux clés d’or » et confidente de ces dames dans un palace à Portofino…
Oui, l’élégance est de mise sur la scène de Chorus et la machine à swing fonctionne à merveille : Stella by Starlight (Victor Young), Days of Wine and Roses et Moment to Moment (Henry Mancini), L’Estate (Bruno Martino), The Old Country (Nat Adderley), Emily (Johnny Mercer), I Hear a Rhapsody (Fragos/Baker/Gasparre), Sugar et Never Let Me Go (Stanley Turrentine), When I Fall in Love (Nat King Cole), Dolphin Dance (Herbie Hancock) et Calypso Minor (Dollar Brand).
Comme batteur, on ne peut rêver mieux que Mario Gonzi pour ce genre de configuration, à la finesse de jeu idéale. Darryl Hall à la basse est toujours d’une grâce métronomique. Que dire encore de Matthieu Michel, essentiellement au bugle ce soir-là, si ce n’est de rappeler qu’il reste le trompettiste de tous les superlatifs, avec un son et une émotion dignes des plus grands. Quant à Thierry Lang, il a eu à l’évidence grand plaisir à jouer cet héritage swing, en fin architecte de la mélodie, et au toucher incomparable.
Je vous le dis, l’élégance faite homme !
Gabriel Décoppet