Samedi 8 novembre, les 17 musiciens du Swiss Jazz Orchestra de Berne colonisaient la scène de Chorus, le temps d’un superbe concert. Caser autant de musiciens dans cet espace tient du prodige et de l’exception. Fondé en 2003 par George Robert quand ce dernier dirigeait la Swiss Jazz School de Berne, ce big band a la (bonne) habitude d’inviter des vedettes, à l’instar des grandes formations allemandes comme le WDR ou le NDR. J’ai eu la chance de voir plusieurs de leurs performances au Marians JazzRoom, notamment avec le vibraphoniste Mike Mainieri, le bassiste John Clayton, l’organiste Joey DeFrancesco, le batteur Peter Erskine ou encore le saxophoniste Donny McCaslin. A chaque fois, le professionnalisme et l’émotion étaient au rendez-vous. Ce fut aussi le cas à Chorus.
Pour la cuvée 2019, le Swiss Jazz Orchestra s’est immergé dans un bain argentin avec le pianiste, compositeur et arrangeur Guillermo Klein. Une bonne raison à cela : Klein est né en 1969 à Buenos Aires. A 21 ans, il quitte son Argentine natale pour Boston d’abord, puis New York. Si ses compositions puisent ses racines dans la musique de son pays, elles sont réellement habitées par le jazz. Leur architecture harmonique fait penser à Wayne Shorter (que Klein a fréquenté). Sur la scène de Chorus, les imposantes partitions qui trônent sur les lutrins des musiciens attestent de constructions harmoniques finement ciselées. Les morceaux à consonance latine s’enchaînent, entre ballades (« Machine & Emile », splendide valse, ou « Es Infinita ») et rythmes plus syncopés (« Cordoba », « Paredon », « Manuel »), jusqu’à un thème fulgurant en 7/8 (« Lepo »).
L’écriture est habile, parfaitement maîtrisée, comme d’ailleurs l’interprétation des musiciens, tous excellents. On ne peut s’empêcher de penser à Vince Mendoza, un des maîtres du genre, ou à son aîné, l’illustre Lalo Schifrin, argentin lui aussi. Les arrangements, au cordeau, mettent en valeur les instruments en une vaste symphonie, découpée en séquences presque cinématographiques, pleines d’inventions, de chatoiements, de ruptures. De la très belle ouvrage.
Gabriel Décoppet